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CROI 2024, morceaux choisis

par | 01.04.2024

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Dans cet article, nous vous proposons un retour de présentations des sessions de la CROI 2024 qui ont particulièrement retenu notre attention. C’est un choix forcément subjectif ne serait-ce que parce que le contenu de cette conférence est pléthorique et varié. C’est aussi ce qui nous incite avant tout à proposer compte-rendu exhaustif des plénières. Vous trouverez ici des éléments des sessions orales sur la prévention du VIH et des IST ainsi que quelques éléments des discussions des symposiums – table-ronde. 

Révolution en matière de prévention du VIH et des IST

Dans cette session se succèdent des présentations orales rassemblées autour de deux thèmes majeurs du moment, la prévention post-exposition des IST par l’utilisation de la doxycycline (DoxyPEP) et les dernières observations et autres développements autour de la PrEP par antirétroviral à longue durée d’action, le cabotegravir-LA.

  1. Tanuja N. Gengiah du Centre for AIDS Programme of Research in South Africa a présenté les résultats de l’étude CAPRSA 018, un essai de phase 1 destiné pour la première fois à étudier l’utilisation d’implant de silicone pour diffuser du TAF (Tenofovir Alafenamide) à virée de prévention contre l’acquisition du VIH. L’essai a été proposé à des femmes cisgenre de 18 à 40 ans à Durban, Afrique du Sud. Il s’est déroulé en plusieurs phases, la première de 28 jours avec un implant de 110mg de TAF et la deuxième avec deux groupes recevant soit un implant, soit deux, de TAF ou de placebo, pendant 48 semaines. S’il n’y a pas eu de problème de sécurité, l’essai démontre quand même une faible tolérance de ce dispositif, 31% des participantes ayant demandé le retrait prématuré, ce qui s’est avéré plus difficile que prévu. La diffusion du TAF a été régulière avec des niveaux résiduels élevés après retrait de l’implant. Cependant même avec deux implants, les niveaux de diffusion du produit ont été sensiblement inférieurs à ceux attendus. Ce premier essai d’un tel dispositif montre qu’il est nécessaire d’améliorer la tolérabilité et d’augmenter la quantité de produit actif diffusé pour atteindre le seuil utile.
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  1. Jean-Michel Molina, notre célèbre clinicien français, présentait les résultats finaux de l’essai ANRS 174 DOXYVAC. Pour mémoire, cette étude avait fait l’objet d’une présentation de résultats préliminaires à la CROI 2023. Il s’agissait de tester l’intérêt d’une prophylaxie post-exposition de Doxycycline (DoxyPEP) pour réduire l’incidence des IST bactériennes et d’un vaccin, le 4CMenB en prévention d’infection à gonocoque. Ces interventions étaient proposées à des participants de l’étude PREVENIR, une cohorte d’utilisateurs de PrEP. Les conclusions de cet essai sont pour la prophylaxie par Doxycycline, une concordance avec les autres études faites sur ce même thème de réduction forte des infections par chlamydia et syphilis dans les populations observées mais une moindre activité contre le gonocoque surtout dans un contexte de résistance aux tétracyclines, ce qui fait craindre une baisse d’efficacité dans le temps. La DoxyPEP et bien tolérée et bien suivie. Des études d’implémentation sont en cours notamment pour étudier le risque d’apparition d’antibiorésistance. Pour ce qui est du vaccin 4CMenB, les données ne permettent pas de conclure même si l’on peut observer un faible bénéfice. D’autres études sont nécessaires pour aller plus loin.
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  1. Dans la même veine, Annie Luetkemeyer nous propose les résultats de l’extension en ouvert de l’étude DoxyPEP qui suggèrent selon son titre une réduction soutenue des IST bactériennes par l’utilisation de DoxyPEP. Cette extension résulte de l’arrêt de l’étude initiale randomisée DoxyPEP et de la proposition de DoxypPEP à tous les participants en mai 2022. Voir là aussi les résultats de l’étude présenté à la précédente CROI. C’est donc dans un contexte qui avait démontré l’efficacité de la technique à réduire l’incidence des IST bactériennes que l’extension de l’étude montre le maintien de ce bon résultat et ce, malgré l’augmentation du nombre de partenaires sexuels et des actes sans préservatifs observés durant cette phase d’extension. Ce résultat plaide en faveur du maintien de la recommandation d’utilisation formulée par le CDC. Une évaluation à plus long terme de ces résultats d’efficacité devra être réalisée notamment pour mesurer l’impact potentiel sur l’antibiorésistance.
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  1. Encore dans la même veine, Hyman M. Scott du département de santé publique de la ville de San Francisco (SFDPH) nous a proposé les résultats de l’étude d’implémentation de DoxyPEP en pratique clinique dans la cité californienne. En octobre 2022, le SFDPH a émis une recommandation de DoxyPEP qui a été implémenté dans la pratique des cliniques de la ville comme la Magnet Clinic de la San Francisco AIDS Foundation. En même temps que cette mise en place était programmée une évaluation de l’incidence des IST chez des utilisateurs de PrEP suivis dans ces établissements et menée de juin 2022 à septembre 2023. Il en résulte que l’utilisation de DoxyPEP a été importante, ce qui reflète bien la forte demande des utilisateurs potentiels. L’incidence des IST a rapidement diminué après l’implémentation du dispositif, démontrant une réelle efficacité dans la vraie vie. Il n’a pas été observé d’impact de DoxyPEP sur l’incidence des gonorrhées durant cette analyse. L’évaluation se poursuit.
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  1. Plus en détail, Madeline Sankaran du SFDPH décrit la régression des infections à chlamydia et syphilis associés à l’utilisation de DoxyPEP dans la population HSH et femmes trans de San Francisco à travers l’analyse des courbes de cas depuis 10 ans. Ces courbes sur lesquelles on observe bien une chute correspondant aux années COVID suivi d’une remontée progressive, subissent une baisse significative autour de la période d’introduction de DoxyPEP. Certes ces analyses montrent des tendances récentes qu’il convient d’interpréter avec précaution d’autant plus qu’il n’y a pas de données cliniques ou comportementales associées. Elle conclue donc que l’implémentation de DoxyPEP est associée à un déclin des infections à chlamydia et syphilis récentes mais pas des gonorrhées. Pour autant le déclin des syphilis récentes ne semble pas directement causé par DoxyPEP. Cette analyse mérite d’être poursuivie et mieux documenté.
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  1. Changement de sujet, Raphael J. Landovitz (UCLA) nous donne des nouvelles de l’étude HPTN 083, étude comparative randomisée de PrEP par Cabotégravir injectable versus TDF/FTC oral. Dans cette étude, il a été observé un retard de réactivité des tests antigène et anticorps à détecter des nouvelles contaminations par le VIH souvent associées à des charges virales faibles. Il s’agit donc dans la présente étude d’analyses différentes méthodes de test et de facteurs prédictifs de positivité. Sur 130 tests positifs dans l’étude, 48 se sont révélé faux. L’analyse plus fine de ces cas a permis de déterminer la combinaison d’analyses susceptible de fournir une meilleure prédictivité. Toutefois une évaluation de l’utilisation de mesure de la charge virale ultrasensible à usage de test d’échec de PrEP est toujours en cours dans les essais HPTN 083 et 084.
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  1. Le laboratoire pharmaceutique MSD et son représentant, Gillian Gillespie, nous présente ensuite les premiers résultats d’étude clinique de phase 1 d’un nouvel antirétroviral, le MK-8527, inhibiteur de la translocation de la transcriptase inverse du VIH en prise orale. Les résultats de cette étude montrent une sécurité d’utilisation et un profil pharmacocinétique du MK-8527 qui permettrait une prise hebdomadaire voire plus longue. A suivre.
  1. Pour préserver le bon équilibre de la concurrence, la présentation précédente est suivie de celle de Kelong Han du laboratoire pharmaceutique GSK sur les résultats de l’essai de phase 1 d’une nouvelle formulation de cabotégravir à longue durée d’action injectable qui pourrait permettre une administration tous les quatre mois. Sans surprise, les résultats de cette étude montrent une sécurité acceptable du produit ainsi administré et présente toutes les caractéristiques pharmacocinétiques favorables à l’utilisation de ce nouveau CAB-ULA (Ultra long acting !) en injection tous les 4 mois.
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  1. Après cette séquence publicitaire, la place est à Meredith Clement de l’université de Louisiane à la Nouvelle Orleans. Elle nous propose des résultats de l’étude HPTN 083 (Cabotegravir en PrEP) et plus précisément les résultats d’une analyse réalisée dans cet essai pour mesurer si les IST bactériennes modifiaient l’efficacité de la PrEP. En effet, on sait depuis longtemps que les infections bactériennes peuvent augmenter la vulnérabilité au VIH. Des études antérieures avaient déjà montré que la protection offerte par le TDF/FTC en PrEP n’étaient pas atténuées par la présence d’IST. Il s’agissait donc de vérifier s’il en est de même pour le cabotegravir en PrEP. Sans rentrer dans le détail de la méthodologie complexe de cette étude, elle montre que le nombre d’IST était élevé et concentré chez les participants de l’étude HPTN 083, que leur présence ne dépendait pas du groupe observé dans l’essai (Cabotegravir versus TDF/FTC) et donc, en conclusion, que le CAB-LA maintenait un haut niveau de protection contre le VIH malgré les IST concomitantes.
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