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Conso LesBiTrans : une étude pour comprendre les consommations de substances psychoactives chez les personnes transgenres et les FSF

par | 14.03.2025

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L’étude « Conso LesBiTrans », menée par Hélène Rossignol dans le cadre d’une thèse publiée en novembre dernier, apporte un regard inédit sur les consommations de substances psychoactives (SPA) chez les femmes ayant des relations sexuelles avec des femmes (FSF) et les personnes trans. Ces populations, encore trop peu prises en compte dans la recherche en santé publique, sont confrontées à des vulnérabilités particulières. L’étude vise à mieux cerner ces usages afin d’orienter les politiques de santé et les actions de prévention.

Objectifs et méthodologie de l’étude

L’objectif principal de l’étude « Conso LesBiTrans » est d’identifier les spécificités de consommation de SPA chez les FSF et les personnes trans. Plus précisément, elle cherche à mettre en évidence les facteurs de risque et les facteurs protecteurs qui influencent ces usages. Par ailleurs, elle s’intéresse à l’expérience des participant·e·s avec le système de soins, notamment en médecine générale.

L’étude repose sur une approche quantitative, transversale et observationnelle. Un questionnaire en ligne a été diffusé via des réseaux militants et communautaires, permettant de constituer un échantillon de 698 participant·e·s ayant rendu un questionnaire complet et validant tous les critères d’inclusion à l’étude. L’échantillon est composé majoritairement de femmes cisgenres (45,6 %), suivies de personnes non-binaires (24,3 %), de femmes trans (17,3 %) et d’hommes trans (12,8 %). L’âge moyen des participant·e·s est de 26,9 ans, avec une prédominance de personnes ayant un niveau d’études supérieures.

Des résultats qui mettent en lumière des vulnérabilités

Les données recueillies révèlent une consommation significative de SPA dans les populations étudiées. Pour déterminer le mésusage de substances psychoactives et d’alcool (p.56), Hélène Rossignol utilise deux questionnaires sur les habitudes de consommation : l’AUDIT-C (Alcohol Use Disorders Identification Test – Concise) et le DUDIT (Drug Use Disorder Identification Test). Ces tests déterminent des scores établissant, ou non, le mésusage. Pour cette étude, des seuils délibérément élevés et non basés sur le genre, de 6 pour le DUDIT et de 4 pour l’AUDIT-C, sont proposés (p.29).

Une proportion importante des participant·e·s présente un usage à risque, notamment en ce qui concerne l’alcool (54% de mésusage) et d’autres substances comme le cannabis, la cocaïne ou les amphétamines (43% au-dessus du seuil de mésusage). L’étude met en évidence un lien entre la consommation de SPA et divers facteurs socio-psychologiques, notamment le stress minoritaire, les discriminations et les expériences de violence.

Un des résultats frappants est la corrélation entre le sentiment de discrimination et la consommation de SPA. Plus de 40 % des participant·e·s rapportent avoir déjà perçu des propos stigmatisants de la part d’un médecin à propos de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle. Cette stigmatisation peut engendrer un renoncement aux soins et donc un accès moindre aux dispositifs de prévention et de réduction des risques.

L’étude a également révélé que 25 % des personnes interrogées ayant connu des discriminations rapportaient une consommation accrue de substances en réponse à leur stress. Elle met aussi en évidence un lien entre l’usage de SPA et certaines pratiques sexuelles, notamment le chemsex, phénomène encore sous-documenté chez les FSF et les personnes trans. Cette association souligne l’importance d’actions de prévention adaptées aux réalités de ces populations.

Implications et perspectives

Les conclusions de l’étude « Conso LesBiTrans » ouvrent des pistes essentielles pour mieux prendre en compte les besoins spécifiques de ces populations en matière de santé publique. Elles confirment la nécessité de former les professionnel·le·s de santé à l’accueil de ces publics, afin de réduire la stigmatisation et d’améliorer l’accès aux soins. L’intégration de dispositifs de prévention ciblés, notamment sur les lieux de sociabilisation LGBTQI+, apparaît également comme une mesure pertinente.

Cette étude constitue un premier pas vers une meilleure connaissance des trajectoires de consommation et des besoins de ces populations. Elle met en lumière des enjeux encore trop souvent ignorés et appelle à des recherches plus approfondies, ainsi qu’à des actions concrètes en matière de santé publique.

Source

Hélène Rossignol. Étude des caractéristiques de consommation de substances psychoactives des FSF et des personnes transgenres. Médecine humaine et pathologie. 2024. dumas-04891406 (consultable ici)