Les discriminations et stigmatisations visant les HSH ont-elles un impact sur leur accès à la prévention, au dépistage, aux soins ? Alors que l’idée selon laquelle la position sociale d’un individu affecte sa santé est aujourd’hui bien démontrée, peu d’études portent spécifiquement sur les HSH. Un article de 2012, issu de l’enquête EMIS permet de cerner quelques enjeux de la question, en particulier en termes dispositifs de prévention et de prévention et de dépistage du VIH spécifiques aux HSH.
Quelle influence des discriminations, des stigmatisations vécues par les Hommes ayant des relations Sexuelles avec les Hommes (HSH) sur leur santé, sur leur accès à la prévention, au dépistage, au traitement ? C’est à partir de l’enquête « European MSM Internet Survey » (EMIS) que l’équipe de recherche se propose partiellement de répondre à la question. Cette enquête s’intéressait en particulier à l’homonégativité intériorisée, c’est-à-dire à la perception négative de l’homosexualité par les HSH eux-mêmes, et au lien qu’elle entretient avec des facteurs s’exerçant à grande échelle, comme des dispositions légales nationales, et d’autres s’exerçant à une échelle plus locale, en particulier l’accès à des dispositifs spécifiques de promotion de la santé sexuelle des HSH.
Le concept d’homonégativité décrit spécifiquement les attitudes négatives des lesbiennes, des gays et des bisexuelLEs vis-à-vis de leur propre sexualité. Il est couramment admis que ces attitudes émergent à partir d’un contexte social lui-même défavorable aux LGB. Les stigmatisations visant spécifiquement les HSH sont souvent considérées comme ayant un lien particulièrement fort avec la mise en œuvre coercitive des normes de genre masculines. Par ailleurs, des études longitudinales ont pu montrer que l’extension des droits des LGB avait été accompagnée d’une diminution des attitudes négatives vis-à-vis de l’homosexualité, en particulier chez les plus jeunes.
La littérature existante s’intéresse essentiellement à l’homonégativité comme pouvant prédire des comportements à risques, ainsi que certains troubles psychologiques et mentaux. Se pencher de façon spécifique sur les causes de l’homonégativité, en particulier sur celles qui agissent à l’échelle nationale, peut donc servir de guide à des politiques qui visent à améliorer la santé globale des HSH. C’est ce que se propose de faire cet article.
Les auteurs y montrent que des facteurs légaux et environnementaux s’exerçant à un niveau structurel jouent un rôle important dans l’intériorisation du stigmate d’homosexualité par les HSH. Par exemple, vivre dans un pays ayant mis en place l’égalité des droits entre couples hétérosexuels et couples homosexuels, et/ou dans lequel la majeure partie de la population ne manifeste pas de sentiments homophobes exacerbés est associé à une baisse du niveau d’homonégativité des HSH. A une échelle plus individuelle, les HSH qui évoluent dans un environnement dans lequel il est aisé d’accéder à des dispositifs de prévention et de dépistage spécifique manifestent également un degré d’homonégativité plus bas.
La santé globale des HSH, en tant qu’elle est évaluée à la fois par leur homonégativité et par leur accès facile et effectif à des dispositifs de prévention et de dépistage, est donc structurellement contrainte par des facteurs s’exerçant soit au niveau de la législation nationale, soit dans un environnement qui exprime plus ou moins son hostilité vis-à-vis des HSH.
Construction des variables de l’étude
Cette étude s’appuie sur l’enquête EMIS, un sondage sur Internet disponible en plusieurs langues, s’adressant aux Hommes ayant des relations Sexuelles avec les Hommes et/ou attirés par les hommes de 38 pays européens. Ce sondage était accessible depuis 235 sites (trans-)nationaux s’adressant aux HSH, et également via des associations implantées dans chacun des pays de l’étude. Le questionnaire était accessible pendant 12 semaines, de juin à août 2010. Parmi les internautes qui parvenaient à la page d’accueil du questionnaire, seuls étaient retenus ceux qui étaient en âge d’avoir des relations sexuelles consenties avec un homme dans leur pays.
Le questionnaire comprenait 280 questions. Cependant, tous les répondants n’avaient pas à répondre à toutes les questions : des filtres étaient mis en place au sein du sondage, certaines questions n’ayant d’intérêt que pour certains participants, détectés grâce à leurs réponses aux questions précédentes. In fine, le temps médian de réponse au questionnaire était de 20 minutes.
Ce questionnaire comprenait quatre champs destinés à guider les intervention de prévention de l’infection au VIH chez les HSH européens :
- mesure de l’exposition au VIH et aux IST et présence de facteurs favorisant la transmission ;
- besoins de prévention, y compris connaissances et croyances ;
- perception de l’accessibilité et de la performance des interventions de prévention ;
- mesure du stigmate associé au VIH-sida.
S’y ajoutaient des questions d’ordre socio-démographique.
Cette étude se penche de façon spécifique sur les variables sociales et environnementales capturées par l’enquête, en les liant à l’homonégativité intériorisée par les répondants. Celle-ci était mesurée à partir de la réponse à sept questions, réponse qui se faisait sur une échelle à sept degrés, de « pas du tout d’accord » à « complètement d’accord ». Les questions étaient les suivantes :
- Je me sens à l’aise dans des bars gays.
- Je me sens mal à l’aise lorsque je dois interagir avec des gays.
- Je me sens à l’aise lorsque je suis vu en public avec une personne visiblement homosexuelle.
- Je me sens à l’aise en parlant d’homosexualité en public.
- Je suis à l’aise avec le fait d’être un homme homosexuel.
- L’homosexualité est moralement acceptable pour moi.
- Même si je pouvais changer d’orientation sexuelle, je ne le ferai pas.
À partir de la réponse à ces questions, les auteurs attachent à chaque répondant un indicateur d’homonégativité entre 0 et 6. Qui plus est, la cohérence des réponses des participants à ces sept questions était contrôlée par un indicateur spécialement prévu à cet effet : elle s’avère satisfaisante.
Cet indicateur d’homonégativité est la variable que les auteurs cherchent à expliquer. Pour cela, ils proposent trois niveaux d’analyse : une échelle macro, qui correspond peu ou prou à la législation nationale, une échelle méso [1] qui s’interprète comme un contexte culturel d’acceptation de l’homosexualité au niveau national, et enfin une échelle micro relative à l’environnement dans lequel chaque répondant évolue individuellement.
Les variables de l’échelle macro étaient :
- un indice évaluant l’ampleur des discriminations liées au genre dans chaque pays, calculé par le Forum Economique Mondial (le calcul de cet indicateur incluait en particulier une évaluation des politiques d’égalité en faveur des minorités sexuelles) ;
- reconnaissance des relations entre personnes de même sexe ;
- possibilité de se marier pour les couples de même sexe ;
- possibilité d’adopter pour les couples de même sexe ;
- possibilité d’être ouvertement homosexuel dans les forces armées ;
- présence de dispositifs légaux de lutte contre les discriminations homophobes.
Les variables de l’échelle méso étaient issues de l’enquête European Value Study de 2008. Les auteurs ont isolé des résultats trois variables relatives à la stigmatisation de l’homosexualité dans les différents pays concernés :
- la proportion de répondants de chaque pays considérant que l’homosexualité est acceptable ;
- la proportion de répondants de chaque pays considérant que les couples homosexuels doivent pouvoir adopter des enfants ;
- la proportion de répondants de chaque pays qui n’aimeraient pas avoir de voisins homosexuels.
Les variables de l’échelle micro, enfin, étaient capturées par l’enquête EMIS elle-même. Elles concernaient les environnements dans lesquel évoluent les participants de l’étude et la perceptions qu’ils en avaient. Elles comprenaient :
- l’exposition à l’hostilité et aux violences homophobes, mesurée sur une échelle à huit degrés, de « pas d’hostilité » à « harcèlement verbal et violence physique » ;
- l’accès à un dispositif d’information spécifique aux HSH sur le VIH et les IST ;
- l’impossibilité d’obtenir un préservatif alors que le participant en voulait un ;
- l’accès gratuit ou abordable au dépistage du VIH et des IST ;
- le dépistage effectif du VIH au cours de l’année passée.
Analyse quantitative
L’analyse quantitative des données mise en œuvre par les auteurs repose sur l’idée d’expliquer le score d’homonégativité de chacun de répondants par leurs résultats à chacune des variables énumérées ci-dessus (c’est-à-dire les résultats de son pays pour les échelles macro et méso, et ses propres réponses au questionnaire EMIS pour l’échelle micro). Le score d’homonégativité est donc la variable « expliquée », tandis que les autres variables sont « explicatives ». L’analyse s’effectue en deux temps.
La première étape consiste à vérifier pour chacune des variables explicatives qu’elle a bien, prise isolément, un lien significatif avec la variable expliquée. Les variables qui ne passent pas ce test de significativité sont écartées de la suite de l’étude.
La seconde consiste à étudier chacune des échelles détaillées précédemment séparément, en regroupant les variables explicatives relevant d’une même échelle. Cette démarche permet de cerner les « effets propres » de chaque variable indépendamment des autres. En effet, les variables explicatives ne sont probablement pas sans lien entre elles : par exemple, la proportion de personnes pensant que les couples homosexuels doivent pouvoir adopter est probablement d’autant plus grande que la proportion de personnes pensant que l’homosexualité est acceptable est grande…
La méthode statistique utilisée par les auteurs permet de régler ce problème, échelle par échelle (c’est-à-dire que les liens entre variables sont traités si et seulement si ces variables relèvent de la même échelle). On obtient ainsi :
- pour chaque échelle, une évaluation de la significativité de son influence sur la variable expliquée, c’est-à-dire un indicateur qui permet de savoir si « cela a du sens » de conserver ce modèle, et une estimation de la proportion de la répartition des scores d’homonégativité que l’on peut expliquer à partir de cette échelle
- pour chaque variable, une évaluation qui, comme pour le modèle à plusieurs variables, permet de savoir si lorsqu’elle est considérée au milieu des autres variables, cela a encore du sens de l’étudier spécifiquement (c’est sa significativité), d’autre part une estimation de la façon dont elle influe sur les scores d’homonégativité.
Au sein de l’échelle méso par exemple, ce traitement statistique permet d’estimer la variation moyenne du score d’homonégativité d’un participant lorsque l’on fait augmenter le pourcentage de personnes qui considèrent que l’homosexualité est acceptable en maintenant les proportions de personnes qui considèrent que les couples homosexuels doivent pouvoir adopter et de personnes qui n’aimeraient pas avoir de voisins homosexuels au même niveau.
Résultats
Il s’agit d’abord d’examiner quelques résultats succincts sur les caractéristiques des 144 177 répondants. Leur âge moyen était de 34,2 ans, avec un écart type de 11,1 ans. Ils étaient souvent salariés (à 72%), avec un haut niveau d’éducation (51,1% étaient diplômés de l’enseignement supérieur), majoritairement citadins (68,7% habitaient dans des villes de plus de 100 000 habitants). Les scores nationaux moyens d’homonégativité variaient entre 1,220 aux Pays-Bas et 2,579 en Bulgarie.
À l’échelle macro, toutes les variables explicatives passaient avec succès le test de significativité pour les variables isolées. Cependant l’indice mesurant les discriminations liées au genre était très corrélé avec les autres variables et a été omis dans la seconde étape de l’analyse. L’échelle macro est très significative : la probabilité d’obtenir les mêmes résultats si cette échelle n’avait aucune influence (la « p-value ») est inférieure à 0,1%. Elle explique 69% de la répartition des scores d’homonégativité. Au sein de cette échelle, les variables qui restent significatives une fois que l’on a neutralisé leurs liens avec les autres variables sont la reconnaissance des couples homosexuels et la possibilité d’adopter pour ces mêmes couples. Leur influence est négative sur l’homonégativité : les pays ayant mis en place ces mesures voient le score d’homonégativité moyen des répondants qui en sont issus significativement inférieur à ceux des pays qui ne l’ont pas fait.
À l’échelle méso, toutes les variables explicatives ont été conservées pour la seconde étape. La p-value de cette échelle est également très bonne, inférieure à 0,1%. Cette échelle peut expliquer 84% de la répartition des scores d’homonégativité. La variable la plus significative de cette échelle est la proportion de personnes qui n’aimeraient pas avoir de voisins homosexuels. La proportion de personnes considérant que les couples homosexuels doivent pouvoir adopter est elle aussi significative, à un niveau un peu inférieur.
À l’échelle micro enfin, toutes les variables explicatives passent le test de significativité pour les variables isolées. Cette échelle est elle aussi très significative, avec une p-value de mois de 0,1%. Elle explique 3% de la répartition des scores d’homonégativité. Toutes les variables restent significatives une fois neutralisés les effets de leurs corrélations. Avoir eu accès à une information de prévention du VIH et des IST spécifique aux HSH, avoir accès au dépistage gratuit du VIH et des IST est associé à des scores d’homonégativité plus bas. Les répondants ayant voulu utiliser un préservatif sans pouvoir en obtenir avaient des scores d’homonégativité significativement plus hauts que les autres. Le fait d’avoir été confronté à des hostilités et des violences homophobes fait baisser le score d’homonégativité des participants de l’enquête. Avoir fait au moins un dépistage VIH au cours de l’année passée était également associé à une baisse des scores d’homonégativité.
Discussion
Ces résultats montrent que les discriminations vécues par les HSH, ainsi que les manifestations de sentiments homophobes au sein de la population ont une influence directe sur le bien-être des HSH, dans la mesure où celui-ci est mesuré par leur homonégativité intériorisée. Le poids de ces discriminations et stigmatisations se manifestent à deux niveaux. D’une part, la mise en place de l’égalité des droits en couples hétérosexuels et homosexuels, en particulier la reconnaissance légale des couples de même sexe et le droit à l’adoption sont associés à des niveaux moyens d’homonégativité plus faibles que dans les pays où ces mesures n’existent pas. D’autre part, les sentiments homophobes, révélés par la proportion de personnes qui n’aimeraient pas avoir des voisins homosexuels, représente un facteur environnemental qui se répercute directement sur le bien-être des HSH. De façon insidieuse, la stigmatisation sociale de l’homosexualité est intériorisée par les HSH eux-mêmes sous la forme de l’homonégativité. Les auteurs insistent donc sur l’importance des programmes de lutte contre les discriminations et les stigmatisations homophobes, qui sont une condition nécessaire à la construction d’une meilleure estime de soi chez les HSH.
Cette étude s’inscrit dans la lignée d’autres travaux portant sur les liens entre la position sociale occupée par un individu et son accès à la santé. En particulier, le document de travail menant à la Déclaration Politique de Rio sur les Déterminants Sociaux de la Santé mentionnait explicitement les discriminations contre les minorités sexuelles comme un déterminant structurel de la santé. L’idée que l’état de santé d’un individu était grandement dépendant de facteurs sociaux est au départ le fait de travaux portant spécifiquement sur l’influence des discriminations racistes sur la santé des personnes victimes de racisme. Il existe cependant peu de travaux portant sur l’impact des discriminations contre les minorités sexuelles sur leur santé. Ainsi, cette étude est une des rares à lier explicitement santé des HSH et homophobie.
Si l’on s’en tient aux résultats de l’étude, les échelles qui ont été auparavant séparées sont en réalité liées entre elles. Ainsi, les facteurs culturels environnementaux captés à l’échelle méso peuvent être lus comme représentatifs d’un état d’avancement de la législation nationale en matière de lutte contre les discriminations homophobes. On en tirerait ainsi une sorte de carte d’Europe de l’homophobie, qui irait de pays libéraux ayant mis en place à la fois l’égalité des droits entre couples homosexuels et hétérosexuels et des politiques de lutte contre les discriminations visant les minorités sexuelles, jusqu’aux Etats post-soviétiques et les Etats du Sud-est de l’Europe, hostiles aux minorités sexuelles, en passant par les Etats de l’Est et du Sud qui exprimeraient une situation intermédiaire entre ces deux pôles.
Il est cependant possible d’aller plus loin dans l’analyse. En effet, on se souvient que l’indice d’égalité des genres était très bien corrélé avec les autres variables portant sur la législation nationale. Cela tendrait à prouver que les discriminations visant les minorités sexuelles entretiennent un lien très fort avec un système sexe-genre rigide et inégalitaire, système davantage entamé dans les pays « post-matérialistes » du Nord-Ouest de l’Europe que dans les autres. Homophobie et sexisme constitueraient alors deux facettes d’un même problème. Les auteurs demandent que des études soient menées dans ce sens, afin de déterminer la façon dont cette idée pourrait s’appliquer en matière de lutte contre le VIH-sida, en particulier chez les HSH.
L’échelle micro examinée dans l’étude semble avoir un pouvoir explicatif bien inférieur à celui des échelles macro et méso. Cependant, son analyse montre qu’un accès restreint aux dispositifs de prévention et de dépistage du VIH est associé à un degré d’homonégativité intériorisée croissant. Ainsi, si de tels dispositifs ne traduisent pas nécessairement une volonté gouvernementale de lutte contre les discriminations homophobes au niveau national, l’accès limité des HSH aux services de santé et son effet sur l’homonégativité intériorisée peuvent accroître leur vulnérabilité face à l’épidémie.
Lors de l’analyse en variables séparées, les auteurs ont pu montrer que la bonne connaissance des dispositifs gratuits ou abordables de dépistage et le fait de s’être effectivement fait dépister était négativement corrélé avec le score d’homonégativité. Ainsi, avoir un score d’homonégativité élevé abaisse encore la probabilité de se faire dépister. Compte-tenu de l’importance cruciale du dépistage au niveau individuel et collectif, un tel résultat confère une grande importance à la lutte contre les discriminations et stigmatisations visant les minorités sexuelles.
Toujours à l’échelle micro, les auteurs montraient qu’avoir été confronté à la violence et à l’hostilité homophobe avait tendance à baisser le niveau d’homonégativité des répondants. Une explication peut être proposée à un tel résultat : faire face à cette violence est vraisemblablement d’autant plus probable que l’on est « hors du placard », ce qui est associé à des niveaux d’homonégativité plus faible. Dans un autre article, les auteurs ont ainsi pu montrer que les HSH les plus jeunes et « dans le placard » avaient des scores d’homonégativité plus élevés que les autres.
Plusieurs limites de cette étude doivent être signalées. Les premières d’entre elles sont des biais liés soit au recrutement soit aux réponses des participants.
La première d’entre elle est un biais de sélection. D’une part, le recrutement des participants par Internet tend à privilégier des tranches plus urbaines, plus éduquées, plus jeunes de la population. D’autre part, l’accès au questionnaire à partir de sites dédiés aux HSH écarte peut-être ceux d’entre eux qui ont le degré d’homonégativité le plus haut. Enfin, la proportion de répondants issus d’Europe de l’Est reste relativement faible, et certaines variables socio-démographiques importantes, comme la religion ou l’appartenance ethnique. Un autre biais de l’étude est liée au fait que l’homonégativité intériorisée n’est pas perçue comme un attribut désirable par les pairs. Ainsi, les HSH ayant participé à l’enquête ont pu répondre à l’enquête de façon à sous-estimer leur intériorisation du stigmate relatif à l’homosexualité.
D’autres limites de cette étude ne doivent pas être regardées comme des biais, mais comme des manques qu’une recherche ultérieure pourra peut-être combler. En se limitant à une étude à un instant donné, en lieu et place d’une analyse longitudinale, il est impossible de savoir si les liens que l’on établit sont des liens de cause à effet ou non. Les résultats peuvent uniquement être considérés comme des relations statistiques, mais ne permettent pas de prouver que les variables explicatives causent la répartition de la variable expliquée.
Il serait par ailleurs particulièrement intéressant d’étudier les relations qu’entretiennent les différents niveaux de variables explicatives entre eux. En particulier, le niveau méso semble avoir un très fort impact sur l’homonégativité : connaître ses liens avec le niveau macro, qui est celui auquel s’exerce l’action politique, permettrait de mieux la guider.
Les méthodes statistiques mises en œuvre pour cette étude sont elles-mêmes porteuses de limites, liées au fait que la séparation rigide des variables explicatives ne tient pas toujours. Cela signifie qu’il faut lire les résultats comme la démonstration qu’un lien statistique existe bien entre discriminations et stigmatisations homophobes d’une part, intériorisation du stigmate et difficulté d’accès des HSH aux dispositifs de santé sexuelle d’autre part, et non comme une description de ce lien.
Notes de l'article :
[1] De façon générale, l’échelle méso désigne une échelle intermédiaire entre macro et micro.
Source :
Enquête EMIS et dépistage des IST en Europe
…et dans les dépêches suivantes :
EMIS, une enquète sur la sexualité des gays en Europe