L’enquête « Rapport au sexe » menée par SPF en 2017 révèle où on en est en matière de dépistage chez les gays en France. Présenté aux associations à l’occasion du premier décembre 2018 par les investigateurs, elle représente une intéressante analyse pour comprendre où se situent les faiblesses et quelle est la marge d’amélioration possible en matière de dépistage.
Début 2017, Santé Publique France avait mis en ligne une enquête destinée à recueillir des informations sur les comportements de la population gay en France pour étudier les comportements dans la communauté en matière de dépistage du VIH et des IST et l’adéquation de ces habitudes aux comportements sexuels.
Dans un contexte où le délai moyen entre contamination au VIH et dépistage est de 2,7 ans, où 18% des dépistages révèlent une maladie avancée (avec un compte de lymphocytes T CD4+ de moins de 200 par mm3 de sang ou un état de sida) et où l’on estime à 39% la proportion des séropositifs qui s’ignorent, il était important de mener cette enquête pour comprendre quelles étaient les faiblesses et où se situaient les marges de progression possibles pour obtenir des résultats susceptibles d’arriver à un meilleur contrôle de l’épidémie.
Cette enquête est arrivée dans un contexte de recommandation en pleine évolution puisque la fréquence de dépistage promue par la Haute Autorité en Santé en 2010 pour les HSH d’au moins un test par an, a justement été révisée à la hausse au début 2017 pour passer à un dépistage tous les trois mois.
Il y avait également un intérêt croissant à évaluer aussi bien l’effet des campagnes d’information et de sensibilisation au dépistage que l’impact des nouveaux outils de dépistage, Tests Rapides d’Orientation Diagnostique (TROD), autrement dits tests rapides, en 2011 et accès aux autotests en 2015. Enfin, l’avènement de l’offre de PrEP est venu à partir de 2016 changer la donne en matière de standards de prévention.
L’enquête « Rapport au sexe » a consisté en un questionnaire proposé sur internet et promu de manière ciblée par de nombreux acteurs communautaires, sites associatifs, sites et appli de rencontre, affiches dans les lieux identifiés. Elle était disponible en ligne du 16 février au 31 mars 2017. Elle consistait en un questionnaire en ligne auquel les utilisateurs pouvaient répondre en 15 minutes environ, portant sur les caractéristiques sociodémographiques, le mode de vie et de socialisation des répondants, les comportements de dépistage et les comportements sexuels.
Résultats de l’enquête
Le nombre d’hommes ayant accédé au questionnaire est de 25 940 dont 18 069 sont allés jusqu’au terme. Parmi ceux-ci, 17 592 sont résidents en France, métropole ou DOM-TOM. Ils sont 15 663 a déclarer avoir été actifs sexuellement dans les douze derniers mois dont 14 496 ne sont pas séropositifs au VIH. Ce sont ceux-là qui ont été répartis en trois catégories pour déterminer un profil type selon qu’ils ont fait un test de dépistage il y a plus de 12 mois (7 632 hommes, 53%), qu’ils ont fait un test au moins dans les 12 derniers mois (4 390 hommes, 30%), ou qu’ils n’ont jamais fait de test (2 471 hommes, 17%).
Ceux qui ont fait au moins un test dans l’année
Le comportement de tests des 4 390 hommes dont le dernier test remonte à moins d’un an a été analysé plus en détail. On observe ainsi qu’en un an, ils sont 41% à avoir effectué un test, 30% à en avoir fait 2, 14% en ont fait 3, 8% en sont à 4 tests et 6% ont fait 5 tests ou plus.
Pour 91% d’entre eux, la très large majorité, le test a consisté en un prélèvement sanguin. 55% l’ont réalisé en laboratoire de biologie de ville, 28% dans un CEGIDD et 8% à l’hôpital. 5% ont eu recours à une offre de TROD (3% dans un local associatif, 2% à l’occasion d’une opération extérieure, établissement gay ou lieu extérieur) et 4% ont utilisé un autotest.
Profils des personnes selon la pratique de dépistage
Les tableaux suivants résument les caractères recueillis dans l’enquête selon leur comportement de dépistage.
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> Dépistage dans les 12 derniers mois
- La proportion est stable dans le temps : 53%
- Le profil est celui de personnes subissant une forte exposition au risque de contamination au VIH qui intègrent une stratégie de santé sexuelle avec dépistage des IST et prévention combinée ;
- Ils représentent la cible d’une offre de dépistage globale, systématique et diversifiée combinant proximité, rapidité et non jugement
> Dépistage antérieur à 12 mois
- Ils représentent une proportion non négligeable : 30%
- Leur profil révèle une certaine distance de la scène gay, une exposition au risque de contamination par le VIH moindre
- Les autotests et auto-prélèvements représentent une opportunité dans cette population au milieu d’une offre globale de dépistage VIH et IST
> Pas de dépistage au cours de la vie
- La proportion de cette population est stable dans le temps : 17%
- Ils se caractérisent par un profil jeune, peu intégré dans le milieu gay et pourtant avec un risque certain d’exposition au risque de contamination par le VIH
- L’offre de dépistage diversifiée, dont les autotests, est une opportunité pour eux.
En conclusion
Il est nécessaire de faire bouger les lignes principalement dans les deux catégories dont le comportement de dépistage est insuffisant, c’est-à-dire qui ne se dépiste pas annuellement. Il est aussi nécessaire de renforcer au besoin la fréquence du dépistage dans le premier groupe.
L’objectif de 90% de dépistage dans l’année de leur contamination chez les HSH requiert :
- de poursuivre et d’amplifier les programmes de dépistage en prenant en compte la diversité de la population des HSH par des messages de sensibilisation adaptés aux différentes biographies sexuelles, et par la mise à disposition d’outils adaptés ;
- de diffuser des recommandations ciblées de dépistage de l’ensemble des IST dans une approche de santé globale, tant auprès de l’ensemble des HSH que des professionnels de santé.
Source :
« Comportements de dépistage du VIH chez les HSH » présenté par Annie Velter, Lucie Duchesne et Nathalie Lidié de Santé Publique France lors de la réunion des associations du 26 novembre 2018.
- celle des gays actifs sexuellement et intégrés dans la communauté qui sont pas loin d’appliquer les recommandations et de faire appel à la palette des outils disponibles,
- celle des gays plus rangés, plus souvent en couple, plus éloignés des structures de dépistage, qui ont une perception probablement insuffisante des risques qu’ils prennent et ont un recours au dépistage insuffisant,
- celle des jeunes encore peu insérés dans la communauté et donc plus difficiles à atteindre. Leur risque est certainement bien supérieur à ce qu’ils perçoivent et il est nécessaire de les sensibiliser à l’intérêt de prendre soin de soi, tout particulièrement à les sensibiliser à l’importance du dépistage VIH.