Pourquoi le Chemsex prend-il principalement place dans la communauté gay ?
Il faut d’abord se demander la raison de l’usage important de substances psychoactives dans la communauté gay. C’est une question qui revient souvent et qui trouve son explication assez simplement dans ce que l’on appelle la syndémie (entrelacement de problèmes de santé physiques, et/ou psychiques pour une personne qui se renforcent mutuellement les uns les autres, et portent atteinte à la santé globale de la personne). Cette syndémie se fait entre les problématiques de santé sexuelle, de santé mentale, et d’utilisation de substances. Pour donner un exemple concret, le fait d’être déprimé ou anxieux induit souvent une plus grande consommation d’alcool et/ou d’autres produits et une mauvaise estime de soi entraînant des rapports à risques. Les études démontrant que les gays sont 2 fois plus exposés que les personnes hétérosexuelles à des risques majeures [1], à cause, entre autres, de la criminalisation, la discrimination, l’autocensure et ce que l’on peut appeler l’angoisse du placard forcé et donc de l’isolement.
Cette tendance à une consommation accrue de substances par rapport à la population générale explique donc, en partie, le développement du chemsex dans la communauté. En partie seulement car, comme l’explique le Dr Pakianathan, les effets recherchés dans la consommation de produits pendant ou précédant l’acte sexuel sont aussi spécifiques : augmenter le plaisir sexuel, la libido et la confiance en soi, favoriser la désinhibition, être facilitateur de rencontres et donner une impression de plus forte intimité.
Bien que ce soit principalement dans la communauté gay, il est évident que cela n’est pas le seul apanage des HSH, en effet on a retour que les milieux libertins hétérosexuels font état d’une consommation accrue mais aussi un développement chez les personnes transgenres (dont certainEs peuvent s’identifier à la communauté gay ou hétérosexuelle d’ailleurs).
Quels produits pour quels effets et quels sont les risques associés ?
Les comportements pouvant entraîner une augmentation de risques potentiels sont très bien résumés dans le tableau suivant :
PEP = TPE (Traitement Post Exposition),
Sharing sex toys = Partage de sextoy,
Transactional Sex = Travail du sexe,
Injecting Drugs = consommation par voie intraveineuse.
Cela se retrouve d’ailleurs dans l’épidémiologie puisque l’étude anglaise AURAH qui regroupe 1480 participants dont 21% pratiquant le chemsex permet de montrer que les personnes pratiquant le Chemsex ont 2 fois plus de risques de contracter une IST, 4 fois plus le VIH et 7 fois plus une hépatite C.
L’approche globale de la santé des personnes gays ?
Cette recommandation est principalement destinée auprès des professionnelLEs de santé car, aujourd’hui, ils font partie des premiers interlocuteurs qui devraient identifier des potentiels problématiques d’addiction. Mais afin de pouvoir le faire correctement, il est nécessaire de laisser la possibilité aux personnes de parler de leur consommation sans jugement et avec bienveillance. Les potentialités létales des surdosages au vue des produits utilisés sont importantes, et pour certaines personnes, le risque d’une overdose sera supérieur à un risque de contaminations (en particulier pour les personnes séronégatives sous PreP). Cette question du chemsex peut donc être un bon moyen de pouvoir approcher d’autres sujets comme la santé mentale ou la santé affective, souvent parent pauvre de la prise en charge des personnes, encore plus quand celles-ci font partie de la communauté LGBT.
Notes de l'article :
[1] « Promoting the health and wellbeing of gay, bisexual and other men who have sex with men » – Public Health England (2014)
Archives :
C’est juste en anglais et parfois ardu à suivre.
La présente session peut être retrouvée dans les webcast du mardi 5 mars : SYMPOSIUM : ADDING FUEL TO THE FIRE : SUBSTANCE USE AND HIV / titre : « CHEMSEX AND IMPLICATIONS FOR HIV TRANSMISSION AND MANAGEMENT »
Retrouvez les autres articles sur la CROI 2019 ici :
Il est vrai que la CROI n’est pas vraiment une conférence consacrée à l’épanouissement sexuel et à la recherche de plaisir mais il nous semble important de rappeler que souvent, et avant toute chose, la consommation de substances psychoactives (que ce soit des produits licites ou illicites) c’est avant tout une recherche de plaisirs. Le but est de partager, de se détendre, de se désinhiber, c’est pourquoi cela se tient souvent dans des lieux festifs, qui sont aussi des moments de transgression.
La fête est un concept propre à chacunE, pour certaines personnes ce sera l’apéro, une soirée jeux de sociétés entre amis et pour d’autres cela sera de sortir toute la nuit dans des clubs sombres avec ou sans backroom, ou d’organiser des partouzes sous produits chez les uns et les autres. Il y a une volonté de sociabiliser dans tous les cas, mais les parcours de vie, l’état de santé et l’influence des drogues peuvent amener à des problématiques sociales ou de santé qu’il faut savoir repérer ou prendre en charge. Le stigmate qui existe sur les usagerEs de drogues les invisibilisent et les rendent particulièrement vulnérable aux contaminations, il est donc nécessaire de faire évoluer notre regard mais aussi le cadre réglementaire répressif et pénalisant qui ne répond pas aux besoins de ces populations.