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Renouveler l’approche de la santé sexuelle des gays à travers le chemsex

par | 26.03.2019

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Lors de la CROI 2019, une présentation sur la question du chemsex a été faites par le docteur Mark Rohan Pakianathan de la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Cette thématique, relativement récente, soulève de nombreuses questions sur l’accompagnement des personnes et pose de nouveaux enjeux dans la prévention comme nous l’avions déjà présenté dans un article précédent (lien en fin d’article).

Pourquoi le Chemsex prend-il principalement place dans la communauté gay ?

Il faut d’abord se demander la raison de l’usage important de substances psychoactives dans la communauté gay. C’est une question qui revient souvent et qui trouve son explication assez simplement dans ce que l’on appelle la syndémie (entrelacement de problèmes de santé physiques, et/ou psychiques pour une personne qui se renforcent mutuellement les uns les autres, et portent atteinte à la santé globale de la personne). Cette syndémie se fait entre les problématiques de santé sexuelle, de santé mentale, et d’utilisation de substances. Pour donner un exemple concret, le fait d’être déprimé ou anxieux induit souvent une plus grande consommation d’alcool et/ou d’autres produits et une mauvaise estime de soi entraînant des rapports à risques. Les études démontrant que les gays sont 2 fois plus exposés que les personnes hétérosexuelles à des risques majeures [1], à cause, entre autres, de la criminalisation, la discrimination, l’autocensure et ce que l’on peut appeler l’angoisse du placard forcé et donc de l’isolement.

Cette tendance à une consommation accrue de substances par rapport à la population générale explique donc, en partie, le développement du chemsex dans la communauté. En partie seulement car, comme l’explique le Dr Pakianathan, les effets recherchés dans la consommation de produits pendant ou précédant l’acte sexuel sont aussi spécifiques : augmenter le plaisir sexuel, la libido et la confiance en soi, favoriser la désinhibition, être facilitateur de rencontres et donner une impression de plus forte intimité.

Bien que ce soit principalement dans la communauté gay, il est évident que cela n’est pas le seul apanage des HSH, en effet on a retour que les milieux libertins hétérosexuels font état d’une consommation accrue mais aussi un développement chez les personnes transgenres (dont certainEs peuvent s’identifier à la communauté gay ou hétérosexuelle d’ailleurs).

Quels produits pour quels effets et quels sont les risques associés ?

Selon les régions du monde, les produits utilisés ne sont pas les mêmes. Alors qu’au Royaume-Uni, aux Etats Unis, en Asie du Sud Est et en Australie, on va constater une consommation de méthamphétamine, de méphédrone et de GBL importante, la France va plutôt voir un fort développement des cathinones et autres nouveaux produits de synthèses, tandis que l’Espagne est plus sur des produits dits traditionnels tels que cocaïne et MDMA.
CROI 2019 HIV chemsex cultural variation
Cette différence dans la consommation entraîne nécessairement des effets indésirables différents et donc influe sur les prises en charge en addictologie mais aussi en santé sexuelle. Sans rentrer non plus trop dans le détail de chaque produit il est intéressant de s’attarder sur quelques-uns d’entre eux qui augmentent les risques de contamination de manière intrinsèque ou extrinsèque. En effet, par exemple, la méthamphétamine peut entraîner une inflammations des muqueuses du rectum rendant les contaminations plus facile, de même la cocaïne ou les cathinones, quand elles sont consommées par voie nasale rend les muqueuses irritées avec comme conséquence, si partage de matériel, une plus forte exposition à l’hépatite C par exemple.

Les comportements pouvant entraîner une augmentation de risques potentiels sont très bien résumés dans le tableau suivant :

CROI 2019 HIV chemsex behavior

PEP = TPE (Traitement Post Exposition),
Sharing sex toys = Partage de sextoy,
Transactional Sex = Travail du sexe,
Injecting Drugs = consommation par voie intraveineuse.

Il est important d’insister sur le fait que, par exemple, la pratique du fist ou l’injection ne comporte pas des risques inhérents en terme de contamination mais lorsque le fist est mal réalisé, il peut être traumatique, ou lorsqu’il y a partage de matériel d’injections cela accroît les facteurs de contamination.
Cela se retrouve d’ailleurs dans l’épidémiologie puisque l’étude anglaise AURAH qui regroupe 1480 participants dont 21% pratiquant le chemsex permet de montrer que les personnes pratiquant le Chemsex ont 2 fois plus de risques de contracter une IST, 4 fois plus le VIH et 7 fois plus une hépatite C.

L’approche globale de la santé des personnes gays ?

Alors que ces dernières décennies, l’approche de la santé des personnes gays se faisaient essentiellement, à juste titre, à travers le prisme du VIH et de la prévention en santé sexuelle, le conférencier a rappelé qu’il était nécessaire d’avoir une approche plus holistique.

Cette recommandation est principalement destinée auprès des professionnelLEs de santé car, aujourd’hui, ils font partie des premiers interlocuteurs qui devraient identifier des potentiels problématiques d’addiction. Mais afin de pouvoir le faire correctement, il est nécessaire de laisser la possibilité aux personnes de parler de leur consommation sans jugement et avec bienveillance. Les potentialités létales des surdosages au vue des produits utilisés sont importantes, et pour certaines personnes, le risque d’une overdose sera supérieur à un risque de contaminations (en particulier pour les personnes séronégatives sous PreP). Cette question du chemsex peut donc être un bon moyen de pouvoir approcher d’autres sujets comme la santé mentale ou la santé affective, souvent parent pauvre de la prise en charge des personnes, encore plus quand celles-ci font partie de la communauté LGBT.

Notes de l'article :

Archives :
Toutes les sessions de la conférence sont revisitables sur le site de la CROI en intégralité.
C’est juste en anglais et parfois ardu à suivre.

La présente session peut être retrouvée dans les webcast du mardi 5 mars : SYMPOSIUM : ADDING FUEL TO THE FIRE : SUBSTANCE USE AND HIV / titre : « CHEMSEX AND IMPLICATIONS FOR HIV TRANSMISSION AND MANAGEMENT »

commentaire redaction full
Et le plaisir dans tout ça ?
Il est vrai que la CROI n’est pas vraiment une conférence consacrée à l’épanouissement sexuel et à la recherche de plaisir mais il nous semble important de rappeler que souvent, et avant toute chose, la consommation de substances psychoactives (que ce soit des produits licites ou illicites) c’est avant tout une recherche de plaisirs. Le but est de partager, de se détendre, de se désinhiber, c’est pourquoi cela se tient souvent dans des lieux festifs, qui sont aussi des moments de transgression.

La fête est un concept propre à chacunE, pour certaines personnes ce sera l’apéro, une soirée jeux de sociétés entre amis et pour d’autres cela sera de sortir toute la nuit dans des clubs sombres avec ou sans backroom, ou d’organiser des partouzes sous produits chez les uns et les autres. Il y a une volonté de sociabiliser dans tous les cas, mais les parcours de vie, l’état de santé et l’influence des drogues peuvent amener à des problématiques sociales ou de santé qu’il faut savoir repérer ou prendre en charge. Le stigmate qui existe sur les usagerEs de drogues les invisibilisent et les rendent particulièrement vulnérable aux contaminations, il est donc nécessaire de faire évoluer notre regard mais aussi le cadre réglementaire répressif et pénalisant qui ne répond pas aux besoins de ces populations.