Le texte du Centre régional d’information et de prévention du sida (CRIPS) est très documenté et contient beaucoup d’informations sur l’épidémie et la sexualité des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH). Il étudie les différents moyens de prévention et met en avant le concept de santé sexuelle. On ne peut pas en rendre compte de manière un peu complète, dans un court article ; on voudrait plutôt encourager à le lire. Voir plus loin un lien pour le consulter.
Eléments contextuels et épidémiologiques
Dans le monde, la stigmatisation, la discrimination, la violence fondées sur l’orientation sexuelle ou la pénalisation des relations homosexuelles créent de très sévères obstacles à la prévention. Quand l’homosexualité est pénalisée, l’accès au dépistage ou même aux préservatifs et lubrifiants est entravé. (voir « Les gays et le VIH, état des lieux ») En France, les HSH sont la population où la prévalence (pourcentage de personnes contaminées) et l’incidence (pourcentage de nouvelles découvertes de séropositivité) sont les plus élevées. Alors que, dans d’autres populations, on observe une légère diminution de l’incidence, celle ci augmente chez les HSH. En outre, au niveau européen, on assiste à une explosion du nombre de cas de syphilis, de lymphogranulomatoses vénériennes rectales (LGV) et d’autres infections sexuellement transmissibles (IST) chez les gays, dans un grand nombre de villes.
Comportements sexuels et rapport au risque
Plusieurs enquêtes mettent en évidence l’augmentation du nombre de pénétrations anales non protégées, de manière différente, selon qu’il s’agit d’un partenaire stable ou d’un partenaire occasionnel et selon le statut sérologique du partenaire (s’il est connu).
Le « slam » est apparu : il s’agit de s’injecter des produits psychoactifs, dans un contexte sexuel. Les risques de contamination liées aux injections (hépatite C) semblent méconnus des slammeurs ; en raison de la très forte contagiosité du virus de l’hépatite C, tout le petit matériel d’injection (cuiller…) et pas seulement les seringues, devrait ne pas être partagé.
En France, les HSH ont largement recours au dépistage du VIH (beaucoup moins pour les autres IST). Dans le cadre du dépistage cependant, seule une petite proportion des intéressés déclare avoir pu parler de sexualité ou avoir reçu un « counseling » satisfaisant.
Le texte du CRIPS rapporte aussi des enquêtes d’opinion sur la perception de l’homosexualité en France et remarque que la persistance des comportements de rejet entraîne, pour les HSH, des vulnérabilités y compris au niveau de leurs pratiques sexuelles. SOS Homophobie relève en 2013 (l’année de la loi sur le mariage pour tous) un quasi doublement des témoignages sur des actes homophobes. Une enquête de Sida Info Service (en 2013) sur le sentiment global ou sur des actes vécus de discrimination va dans le même sens.
Les attitudes de rejet, en particulier parentales, sont génératrices de troubles psychologiques et identitaires notamment chez les jeunes homosexuel-le-s. On sait que le risque suicidaire est considérablement plus élevé chez les jeunes homosexuel-le-s que les jeunes hétérosexuel-le-s (4 à 10 fois, selon les études). (voir « Homophobie, estime de soi, prévention et dépistage, quel rapport ? »)
Place des stratégies biomédicales dans la prévention auprès des HSH
Traitement des personnes infectées comme outil de prévention (TasP, treatment as prevention)
Le traitement des personnes séropositives est un moyen de prévention : si un nombre suffisant de personnes vivant avec le VIH étaient diagnostiquées et traitées efficacement, la quantité de virus circulant dans la communauté serait moins importante et il y aurait moins de transmissions. (voir l’étude principale sur ce thème)
L’étude PARTNER a été développée pour suivre les couples sérodifférents, ayant des pénétrations vaginales ou anales sans préservatif, alors que le partenaire prend un traitement et a une charge virale inférieure à 200 copies/ml. Près de 900 couples ont été suivis, pendant un an, dont près de 300 couples gays. Aucune infection liée au partenaire stable, séropositif et sous traitement, n’a eu lieu. L’étude PARTNER2, qui vient de commencer, vise à recueillir plus de données sur les risques de transmission lors des relations anales. (L’étude PARTNER)
Prophylaxie Pré-exposition (PrEP)
La PrEP consiste à proposer un traitement antirétroviral (ARV) à une personne séronégative fréquemment exposée au risque VIH, afin de réduire le risque de contamination. L’essai IPrEx, dont les résultats ont été publiés en 2010, montrait une diminution de 44% de l’incidence du VIH chez les HSH traités. Il s’agissait de prise quotidienne d‘antirétroviraux et l’adhésion des participants au traitement était très inégale, une prise quotidienne pouvant être difficile à suivre. Une étude complémentaire a évalué l’efficacité en fonction de l’adhésion : aucun impact pour les participants prenant moins de deux doses par semaine, 84% de réduction pour ceux prenant deux à trois doses par semaine et aucune infection du VIH chez ceux qui prenaient quatre doses ou plus par semaine (ce n’était le cas que de seulement 33% des participants).
Le Conseil National du Sida (CNS) et le groupe d’experts sur la prise en charge du VIH ont rendu en 2012 des avis soulignant l’intérêt de la PrEP, dans une approche de prévention combinée. Ils recommandent que la PrEP puisse être prescrite aux HSH qui souhaitent y recourir en raison de pratiques à haut risque de contamination. Le CNS ne souscrit pas à l’inquiétude de voir émerger un relâchement des comportements et considère au contraire que cet outil devrait favoriser l’accès au dépistage répété, à la prévention et aux soins. L’association AIDES a demandé en janvier 2013 à l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) de permettre la prescription préventive de Truvada®.
L’essai européen IPERGAY, lancé en 2012, cherchait à évaluer une modalité d’administration d’antirétroviraux « à la demande ». Les participants bénéficiaient d’un counseling et de dépistages réguliers. L’essai avait un bras placebo : la moitié des participants recevaient du Truvada® et l’autre moitié, un placebo. Au mois de décembre 2014, le comité indépendant de l’essai, considérant que l’efficacité de cette méthode de prévention était prouvée, a considéré qu’il n’était plus éthique d’avoir un bras placebo et l’a fermé. L’essai devrait cependant continuer pour évaluer la mise en place de cette méthode, dans la vie réelle.
Traitement post-exposition (TPE)
Il s’agit de la prescription d’un traitement antirétroviral d’urgence, après une exposition au VIH, pour éviter une contamination. La durée du traitement est de 4 à 6 semaines mais il doit être initié très tôt (idéalement 4h et, en tout cas, moins de 48h après l’exposition). On peut le demander dans un service d’urgence ou, en journée, à la consultation d’un service de maladies infectieuses.
Place du dépistage
Les HSH sont plus souvent dépistés que les hétérosexuels, avec, comme conséquence, un pourcentage moins élevé de personnes dépistées à un stade avancé de la maladie. Il reste cependant que 20% des séropositifs ignorent leur séropositivité et seraient à l’origine de 40% des nouvelles contaminations. Une offre communautaire de dépistage a été mise en place et semble pouvoir atteindre des publics plus vulnérables et éloignés de l’offre classique. Les TROD (tests rapides d’orientation diagnostique) permettent d’avoir un résultat en une demi-heure ; ils peuvent être l’occasion d’échange avec les pairs. Ils devraient cependant être confirmés par un test classique car il pourrait y avoir des faux négatifs, chez des personnes récemment infectées.
Des progrès dans le dépistage sont très importants, au niveau individuel (parce que l’instauration rapide d’un traitement réduit morbidité et mortalité) et au niveau collectif (parce que cela diminue les risques de transmission). Les autotests sont maintenant autorisés en France ; ils devraient, eux aussi, permettre d’atteindre des publics différents mais il faut mettre en place un dispositif (actuellement Sida Info Service) qui puisse conseiller et orienter vers le traitement les personnes qui se découvriront séropositives. (Voir « Dépistage du VIH et diagnostic de l’infection »)
De l’importance d’une approche globale
La prise en compte de l’homosexualité dans l’éducation à la sexualité est très en retard. La majorité des actions de prévention s’adresse à un public adulte et fréquentant les lieux de rencontre gay et laisse souvent de côté les plus jeunes, qu’il s’agisse d’information sur le VIH ou, plus globalement, de la découverte de la sexualité. Un rapport remis au Ministre de l’éducation nationale, en 2013, souligne que la stigmatisation permanente, même si elle ne vise pas directement une « victime », peut entraîner une dévalorisation de soi et des conduites risquées , comme des rapports sexuels non protégé Le développement et le succès de nouveaux outils de prévention (PrEP, TasP) ne pourront être assurés qu’avec l’appui des méthodes de la prévention traditionnelle et la poursuite de la promotion du préservatif, notamment auprès des plus jeunes.
Se faire dépister entraîne une réflexion personnelle sur son comportement et ses prises de risques. Dans les enquêtes, une part importante des HSH déclare se sentir mal à l’aise, voire jugée, dans les services classiques. Cela rend encore plus pertinente l’existence d’une offre communautaire. En 2009, la mission « réduction des risques » prônait déjà la création de centres de santé sexuelle LGBT qui offriraient la prévention, le dépistage et le traitement du VIH et des IST pour les personnes les plus concernées. Cette proposition se fonde sur le constat de l’insuffisance d’accès aux soins pour les personnes trans et les HSH. Il existe aujourd’hui un seul centre de santé sexuelle, le « 190 », à Paris.