Comme chaque année, Santé Publique France produit un bilan des données épidémiologiques à l’occasion du premier décembre, journée mondiale de lutte contre le sida. Basé sur le recueil de données antérieur, il récapitule en cette année 2018 l’état des épidémies en 2017. Ce bilan ressemble beaucoup à ceux des précédentes années mais la présentation permet tout de même de se pencher sur certains aspects importants.
Le bilan épidémiologique 2017 présenté par Santé Publique France peut se caractériser par un paradoxe : d’une part il ressemble fort à celui des années précédentes en ce qu’il n’y a pas de changement remarquable dans les tendances. Mais il est différent du précédent en ce qu’il est incomplet. En effet, il ne comporte pas le bilan des nouvelles infections par le VIH dont l’estimation n’a pas encore pu être produite en raison d’une forte augmentation du nombre de données manquantes. Ceci demande quelques explications.
Saut technologique difficile
Le recueil des données de l’infection par le VIH est avant tout basé sur la déclaration obligatoire de cette infection. Depuis l’année 2016, la déclaration en ligne, ou eDO, a commencé à prendre le relais sur les formulaires papier. Ce qui semblait être un progrès décisif de la technologie devant logiquement conduire par sa facilité à une plus grande rapidité de remontée des données, permettant au final de disposer de données épidémiologiques presque « en temps réel », se révèle plus difficile à mettre en place que prévu. Les données de la déclaration sont composées de deux parties. On a d’une part celles du laboratoire d’analyse qui effectue le test et d’autre part celles du médecin qui a reçu la personne et prescrit le test. Ces deux parties sont indispensables pour constituer une déclaration puisque d’un côté on n’a que ce que le prélèvement révèle et de l’autre des données sur la personne dépistée positive. Or c’est cette deuxième partie qui semble en panne. Les biologistes ont bien pris le pas de la eDO et font remonter bien plus rapidement les données des tests positifs qu’auparavant (49% en moins d’un trimestre en 2017-2018 contre 22% auparavant) mais les médecins prescripteurs tardent, et même tardent beaucoup : de 21% de dossiers incomplets en 2014, on est passé à 43% en 2017. Les précisions à demi-mot sur ce souci nous ont tout de même permis de comprendre que la technologie informatique a du mal à s’implanter chez ces derniers, causant ce sérieux retard dans la transmission dématérialisée qui, au lieu d’accélérer le processus, finit par le ralentir.
Pour autant, les données brutes de la déclaration obligatoire, comparées aux années précédentes, ne dévoilent rien de très changeant. Plus de tests en 2017, une certaine stabilité de la répartition des tests positifs par populations clés et quelques caractéristiques sur lesquelles il est intéressant de revenir.
Plus de sérologies en 2017
Le nombre de sérologies réalisé en 2017 est encore en progression, comme les années précédentes. Une progression douce, dans la ligne des précédentes, avec 5,6 millions de sérologies VIH réalisées. Ce chiffre, en progression de 6,4% par rapport à 2014, se répartit en 5,3 millions de sérologies non anonymes, environ 300 000 sérologies anonymes (en recul de 17% par rapport à 2014), et puis 55 770 TROD (tests rapides d’orientation diagnostique) réalisés par les associations et environ 73 000 autotests vendus en pharmacie.
Si, pour ces derniers, on n’a aucune idée des résultats qu’ils ont produit, pour les TRODs en revanche, il est établi que, touchant plus facilement les populations clés et de manière plus ciblée, ils produisent des résultats plus fréquemment positifs, 7,3 tests positifs pour 1000 TRODs au lieu des 2,0 sérologies positives pour 1000. Mais leur faible nombre ne pèse pas beaucoup dans le résultat total. Et puis le nombre d’autotests vendus comme le nombre de TRODs réalisés n’a pas augmenté.
Les découvertes de séropositivité au VIH
La remontée des sérologies positives au VIH recueillies entre janvier 2017 et septembre 2018 est composée à 66% d’hommes, une proportion qui reste stable. En termes d’âge, si les personnes de moins de 25 ans progressent peu, à 13%, les 50 ans et plus, qui sont passés de 13% en 2003 à 21% en 2014, se stabilisent sur cette période 2017-2018 à 22%. Les particularités remarquables en matière d’âge s’observent chez les femmes hétérosexuelles nées en France, 16% ont moins de 25 ans, 31% ont plus de 50 ans, chez les hommes hétérosexuels nés en France, 42% ont plus de 50 ans, et chez les homosexuels, 17% ont moins de 25 ans.
Les deux groupes de population qui constituent la large majorité des cas, les homosexuels masculins (dénommés HSH ou hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes) et les hétérosexuelLEs nés à l’étranger (au ¾ d’origine d’Afrique subsaharienne) représentent 45% et 38% de ces nouveaux séropositifs. Les hétérosexuelLEs néEs en France et les usagerEs de drogue représentent 16% et 1%.
A partir du compte de lymphocytes CD4 dans le sang comme marqueur de la progression dans la maladie, il est possible de déterminer la précocité ou le retard du diagnostic par rapport à la contamination. Parmi les diagnostics 2017-2018, ceux réalisés à un stade précoce représentent 37%, ceux fait à un stade avancé sont 28%.
Là aussi, d’importantes disparités sont à observer selon la classification en population clé. Ainsi, chez les homosexuels, 48% découvrent leur séropositivité à un stade précoce (50% nés en France, 41% nés à l’étranger) et 18% à un stade avancé (17% nés en France, 21% nés à l’étranger).
Pour les personnes hétérosexuelles, 29% ont un diagnostic précoce et 33% sont à un stade avancé. Mais la disparité est forte puisque, à un stade précoce, on trouve 46% des femmes nées en France, 33% des hommes nés en France, 26% des femmes nées à l’étranger et 23% des hommes nés à l’étranger. Tandis qu’à l’inverse, on découvre à un stade avancé 18% des femmes nées en France, 31% des femmes nées à l’étranger, 35% des hommes nés en France et 42% des hommes nés à l’étranger.
Mais surtout, en 2017, 49% des découvertes de séropositivité concernent des personnes qui n’avaient jamais fait de test auparavant. Rapportée aux populations clés, cette proportion n’est pas homogène. Elle est de 22% chez les homosexuels, de 50% chez les hétérosexuelLEs nés en France et de 63% chez les hétérosexuelLEs nés à l’étranger.
Ces résultats soulignent l’importance d’intensifier plus encore le dépistage dans les populations les plus exposées afin de réduire le délai entre contamination et diagnostic.
Les Infections bactériennes sexuellement transmissibles
Pour cette dernière, après avoir connu une forte hausse sur plusieurs années, les nouveaux cas de syphilis récente sont stables entre 2015 et 2017. Cette infection concerne surtout les homosexuels masculins qui représentent 81% de l’ensemble.
Le nombre de personnes diagnostiquées pour une infection à Gonocoque était estimé à 49 628 en 2016. Les hommes sont plus touchés que les femmes et la classe d’âge la plus concernée est celle des 15-24 ans. Le nombre d’infections a continué d’augmenter en 2017 (+70% par rapport à 2015) et concerne surtout les HSH (+84%) dans toutes les régions de France métropolitaine et dans une moindre mesure en Ile-de-France. Pour les hétérosexuels, l’augmentation est surtout sensible dans les départements d’Outre-mer.
Pour ce qui est des infections à Chlamydia trachomatis, le nombre estimé de diagnostics en 2016 était de 267 097. Il progresse entre 2015 et 2017 de 15%. Si cette augmentation semble plus marquée chez les hommes, elle touche tout de même principalement les femmes (environ deux fois plus).
La progression des IST bactériennes ne peut qu’inciter à un dépistage couplé à celui du VIH dans une approche de santé sexuelle globale. Le dépistage précoce de ces infections et leur traitement antibiotique tant chez les personnes touchées que chez leurs partenaires est la solution indispensable à l’arrêt de leur transmission.
Source :
Bilan épidémiologique 2017 de Santé Publique France publié le 26 novembre 2018.