En mars 2017, la Ministre de la Santé a commandé à l’Inspection Générale des Affaires Sociales un rapport sur la PrEP. Ce rapport vient d’être rendu public par l’institution ce 9 juillet 2018.
Ce rapport conduit par les Dr G.Duhamel et Dr A.Morelle (IGAS) dont l’objet précis est l’analyse de la procédure de « recommandation Temporaire d’Utilisation » (ATU) dont a fait l’objet la PrEP en France. Il décrit de manière très documentée l’ensemble de l’histoire scientifique, médicale, épidémiologique et sanitaire de la PrEP dans le monde et en France afin d’étayer l’analyse de la procédure de RTU du médicament Truvada pour son utilisation en PrEP en France.
Le paragraphe de conclusion du communiqué de l’IGAS mérite d’être cité tel quel au moins en ce qu’il attise la curiosité du lecteur :
En dépit du caractère très documenté et circonstancié de ce rapport, le ton virulent parfois employé par ses auteurs, ainsi que certains propos excessifs, sont regrettables. L’IGAS en tant qu’institution reste cependant fortement attachée à la transparence de ses travaux ainsi qu’à l’indépendance de ses inspecteurs, gage de l’objectivité et de l’impartialité nécessaires à la conduite des missions d’inspection.
Ceci ne doit pas affecter la prise en considération des analyses et conclusions du rapport concernant la politique de prévention des transmissions du VIH, l’éventuel élargissement de la PrEP à d’autres populations et le devenir de la procédure de RTU.
La lecture de ce rapport est très instructive et à bien des égards riche d’enseignements sur le fonctionnement de nos institutions. Nous ne pouvons cependant nous empêcher de souligner que certaines conclusions du rapport nous semblent acquises au prix de l’occultation de certains faits dont l’absence facilite la thèse soutenue des rapporteurs ou tout au moins évitent bien des interrogations.
Une partie de ces faits sont présents dans notre dossier PrEP comme le calendrier des essais PrEP qui montre que, contrairement à ce qui est dit dans le rapport, il a existé des essais humains de PrEP entre 2002 et 2007. Par ailleurs les rapporteurs s’étonnent du temps écoulé entre les résultats d’expérience menées sur les macaques en 1995 et la mise à disposition du ténofovir pour les séropositifs en 2002, sans préciser explicitement que le produit n’existait que sous forme injectable en 1995 et que sa formulation orale n’a permis une application clinique que bien plus tard (paragraphe 92 : « GILEAD chemist, Norbert BISCHOFBERGER, which is working on developing an oral form of PMPA, hopes to begin human trials next year »). L’AMM du ténofovir aux Etats Unis date de 2002.
Enfin, le rôle joué par les activistes tant aux États Unis et en Europe que dans le monde se trouve réduit à des citations opportunes alors qu’ils ont été les instigateurs de toute la recherche sur la PrEP au moins depuis le début des années 2000 ainsi que de l’établissement des règles éthiques sur la recherche en prévention (conférence IAS 2005 à Rio de Janeiro). Il omet de préciser que la consultation communautaire sur la PrEP dans la communauté gay, organisée en France avant le démarrage de l’essai IPERGAY, ne résulte que de la seule initiative du groupe TRT-5 et a grandement contribué à susciter l’intérêt pour cette prophylaxie dans notre pays même si elle a aussi soulevé des débats dans la communauté. C’est peut-être ce qui a permis qu’en France l’implémentation de la PrEP se fasse plus facilement qu’aux Etats Unis où, précisément le démarrage a été très lent en raison des débats et des controverses soulevées dans la communauté après l’AMM de 2012.
Il n’empêche que la contribution de ce rapport établit clairement un fait clair exposé par les rédacteurs dans ce paragraphe du résumé du rapport :
Même si, encore aujourd’hui, trop souvent l’unité conceptuelle et pratique qui existe entre traitement curatif de l’infection par le VIH (TasP), traitement préventif après un contact contaminant (PEP) et traitement préventif avant un contact contaminant (PrEP), n’est pas comprise ou est ignorée, cette unité est fondamentale à saisir.
Et c’est finalement le point essentiel que nous en retiendrons parce que c’est cette unité conceptuelle qui nous a guidé dans l’élaboration de nos dossiers. Après, il appartient aux historiens et aux sociologues de nous livrer une version mieux étayée de l’histoire de la PrEP.