DÉPÊCHES / PRÉVENTION

La PrEP mise sur le marché

par | 28.02.2017

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Expérimenté dans le monde depuis le début des années 2000, expérimenté en France depuis 2012, en recommandation temporaire d’utilisation en France depuis décembre 2015, le Truvada en tant que traitement de prophylaxie pré exposition ou PrEP acquiert enfin le statut commun avec l’entrée en vigueur de son autorisation de mise sur le marché ce mercredi premier mars 2017.

Depuis le début 2016, la disponibilité du Truvada en PrEP est effective grâce au dispositif français d’autorisation temporaire d’utilisation (RTU). Mais avec l’autorisation de mise sur le marché européenne obtenue par le laboratoire commercialisant le produit, Gilead, il passe du statut exceptionnel au régime normal. Cependant, ce changement de régime a quelques particularités qu’il nous faut expliquer grâce aux éclaircissements apportés par l’ANSM (l’Agence nationale de sécurité des produits de santé) et la Direction Générale de la Santé du Ministère de la Santé.

  • Retour sur la RTU

Mais revenons d’abord sur la RTU qui dure depuis plus d’un an. Ce dispositif a permis la mise à disposition de Truvada en PrEP avant son autorisation de mise sur le marché (AMM). Ce dispositif de distribution exceptionnel a été accompagné d’un relevé de données qui permet d’avoir aujourd’hui des indications quasi exhaustives sur l’utilisation de cette méthode de prévention en France en 1 an.

Ainsi, 865 comptes médecins (dont 75 de CeGIDD dont 40 non hospitaliers) ont déposé des demandes d’utilisation de la RTU. Cela a concerné 2805 personnes au 31 décembre et 3200 à ce jour, soit en médiane 3 personnes par médecin, ce qui est loin de refléter la réalité puisqu’il y a surtout quelques centres, les centres investigateurs de l’essai IPERGAY, qui ont été les plus gros prescripteurs. Les personnes sont 59,7% en Ile-de-France, 10,6% en Auvergne-Rhône-Alpes, 8,6% en PACA. Le CeGIDD le plus prescripteur, et de loin, est Le 190 qui a prescrit 300 traitements soit 10% du total !!!

Les personnes sont à 97,9% des hommes d’âge moyen 37,4 ans (63% de 30 à 50 ans), et 0,3% de Trans (M>F). Les motifs de prescription de la PrEP sont (motifs cumulables) sont 97,2% de HSH à haut risque, 73,2 ont eu des relations sexuelles non protégées dans les 6 derniers mois, 31% ont eu des IST, 10,2% ont eu plusieurs TPE, 20,1% sont consommateurs de substances psychoactives. 58,1% des prescriptions sont à la demande, les autres en continu. Les utilisateurs sont de nationalité française pour 89,6% d’entre eux.

Les deux schémas de prise proposés étaient soit la prise régulière d’un comprimé quotidien (schéma continu) soit la prise de Truvada selon l’activité sexuelle et l’exposition au risque telle qu’elle a été expérimentée avec succès dans l’essai IPERGAY (schéma intermittent). 58,1% des prescriptions ont préconisé ce dernier tandis qu’ils étaient 41,4% à utiliser le schéma continu.

Il y a eu quatre séroconversions dans la RTU, toutes chez des HSH. Pour une de ces personnes, la séroconversion a eu lieu dans le premier mois (contamination avant la PrEP) et pour deux autres alors que le traitement avait été arrêté. Une personne a été contaminée alors qu’elle était sous PrEP. Le test de résistance du virus a révélé plusieurs mutations dont certaines sont majeures. Il n’est pas possible de savoir s’il s’agit de résistances acquises à cause du traitement ou si la souche transmise avait déjà les mutations de résistance.

  • Et l’AMM qu’est ce que ça change ?

À compter du 1er mars 2017, le Truvada peut donc être prescrit en PrEP. Ca ne change presque rien à ce qui s’est fait depuis le début 2016 à deux « détails » près.

Le premier est d’ordre réglementaire. Dorénavant ce sont les règles du droit commun de la prescription d’antirétroviraux qui s’appliquent. Comme c’était déjà le cas pour la RTU, la première prescription ne peut être faite que par un médecin spécialiste praticien hospitalier ou (depuis l’été 2016) un médecin de CeGIDD. Ce qui change avec l’AMM, c’est que, désormais les ordonnances peuvent être renouvelées par un médecin traitant, généraliste. Cependant, au moins une fois par an, l’ordonnance devra être refaite par le spécialiste.

Le deuxième point d’importance est le « mode d’administration » du médicament. Le laboratoire Gilead a déposé une demande d’autorisation de mise sur le marché à l’agence européenne avec un dossier semblable à celui qu’il avait déposé aux Etats Unis en 2012. Celui-ci ne comporte qu’un seul mode de prise du médicament, le schéma continu. C’est donc ainsi qu’a été validé l’AMM et c’est donc ce seul schéma qui est reconnu par l’AMM. Autrement dit, l’expérimentation française qui a abouti au schéma intermittent, ce schéma utilisé préférentiellement en France n’est pas reconnu officiellement par l’autorisation. Pour autant son utilisation n’est pas impossible. Tout médecin a la liberté de prescrire selon son choix. Mais il s’agit alors d’une prescription dite « hors AMM » qui est de la responsabilité du médecin et qui n’est pas couverte par l’assurance maladie. C’est ce que nous dit le droit.

La réalité pourrait en fait ne pas vraiment changer. En effet, la prescription d’une prophylaxie en schéma intermittent prévoit que l’utilisation est modulée selon le besoin de la personne mais ne doit pas dépasser la dose équivalente au schéma continu. La délivrance du médicament en pharmacie est donc au plus la même dans les deux schémas. Il ne devrait en principe pas y avoir de soucis sauf en cas d’excès de zèle d’un médecin qui préciserait sur l’ordonnance que sa prescription est « hors AMM ».

En fait ce qui et le plus à craindre de la part des personnes utilisatrices, c’est le principe de précaution derrière lequel pourraient se retrancher des médecins qui ne se voudraient pas courir le risque d’endosser la responsabilité d’une éventuelle contamination suite à une prescription hors AMM de PrEP. Cela étant, les médecins prescripteurs ont tout de même pour eux un nombre d’éléments confortant leur sécurité plutôt conséquents puisque la RTU a été établie sur la base des deux schémas de prise qui sont recommandés à la fois par le groupe d’experts français et par les recommandations européennes.

Enfin, pour ce qui est de la prise en charge par l’assurance maladie, le Truvada bénéficie du statut de médicament irremplaçable qui en fait un produit pris en charge à 100%. En principe ce statut ne devrait pas changer.

Mais il est clair que ce sera l’expérience des mois à venir qui nous dira si cette exception française et les avantages qu’elle procure pourra persister.

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